Sommes-nous tous X, Y, Z ?

15/12/2014 15:01

L'alphabet est à la mode. Etre « Y » encore plus. Faut-il se sentir à l'écart et dépassé lorsqu'on est un pauvre « X » (comme moi) et que les « Z » poussent déjà vers le marché de l'emploi ?

Pourquoi parler de caractéristiques générationnelles alors que le concept même est controversé dans le champ scientifique  [sur ce sujet voir le très bon article de Claudine Athias-Donfus "Rapports de génération et parcours de vie" ?]  En effet, au-delà des indéniables influences causées par la temporalité et les événements collectifs vécus en commun, d'autres facteurs, comme le capital social, économique, le fait religieux ou politique, semblent pour beaucoup de sociologues plus discriminants que des facteurs uniquement dus à l'âge.

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https://elusnumeriques.info/dis-moi-de-quelle-generation-tu-es-je-te-dirais-la-meilleure-facon-de-communiquer-avec-toi/

Pourtant la « Génération Y » apparaît  aujourd’hui,comme un phénomène de société qui a envahi  l’intégralité de l’espace public, en France comme outre-Atlantique. Fortement médiatisée, que ce soit par le biais de la télévision, d’Internet, des réseaux sociaux ou encore de la presse écrite, la Génération « Why ? » – c’est-à-dire les « jeunes » nés entre 1980 et 1994 environ et aujourd'hui en très grand nombre sur le marché du travail – fait "couler beaucoup d'encre". Dans la blogosphère en particulier (lagenerationy.com ; generationy20.com etc), les praticiens semblent passionnés par le sujet qui de surcroît fait recette (Bouchez, 2011).

Cependant, comme le montrait déjà Socrate plus de 400 années avant Jésus-Christ, la jeunesse est «incomprise » depuis la nuit des temps. Cette génération est probablement la plus « fantasmée » du début du XXIème siècle. Les observateurs, journalistes, bloggeurs, DRH, lui attribuent des caractéristiques spécifiques à tous les niveaux de vie, mais particulièrement en ce qui concerne les attentes et les comportements de ses membres face au travail : la volonté d’accéder d’emblée à des postes à responsabilités, un rejet de l’autorité, une vision très court terme, une focalisation sur les loisirs ("L'intégration de la génération Y en entreprise aujourd'hui : Enjeux, opportunités et obstacles pour les entreprises et les institutions de formation"De Bovis, Fatien et Glée, 2009). Certains évoquent aussi leur prétendue « adaptabilité » aux nouvelles technologies (“Are you ready for the next generation of workers ?”, Kimberly, 2009) Les médias évoquent également leur faible loyalisme : un Y serait destiné à changer d’employeur environ 29 fois au cours de sa carrière ( « Talk GenerationY’slanguage », HR Magazine, janvier, 25, Mahoney, 2009). Le monde de la recherche, à l’affût des tendances sociales se penche de plus en plus sur le sujet, un colloque « comportement de la génération Y au sein des organisations » lui sera même consacré au printemps prochain à l'Université de Metz.

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Force est de constater que cette affirmation a du « plomb dans l'aile » au regard des trajectoires individuelles et des pratiques collectives dans nombres d'entreprises liées au secteur de l'innovation. Au sein des startup, par exemple, les modalités de rapport dans le travail bouleversent ces préjugés et l'on observe plutôt des adhésions et des rejets collectifs en fonction des centres d'intérêts et des objectifs fixés plutôt qu'au regard de l'âge des collaborateurs. Combien de « X » répondent en effet à tous les critères supposés caractéristiques des Y ? Combien de « Y » ne sont pas compatibles avec l'esprit de création, de contribution, d'autonomie, mais aussi d'incertitude du modèle startup ?

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Finalement la question à se poser sur les modes de relation dans l'entreprise ne serait-elle pas plutôt la question de "l'entre-soi" que celui de l'âge. Selon la définition du Larousse, l'entre soi est une "situation de personnes qui choisissent de vivre dans leur microcosme (social, politique, etc.) en évitant les contacts avec ceux qui n'en font pas partie". Le monde de l'entreprenariat, en particulier celui des startup ne répond pas réellement, à ce jour, à la nécessité vitale d'intégration pour la société contemporaine. La création d'accélerateurs ouverts sur la diversité des profils et des projets, offrant l'ensemble des accompagnements "sur mesure", avec un volet de mise en pratique, plutôt qu'axant l'ensemble de sa démarche sur des garants économiques et des pré-requis sociaux, est sans doute l'une des réponses positive à cette préoccupation.